Ce bon vieux fluor…
Dans la guerre contre les caries, on n’a rien trouvé de mieux qu’une alimentation pas trop sucrée, une hygiène bucco-dentaire correcte et du fluor dans la bouche
Pour nombre de gourmands, la nouvelle d’un possible vaccin contre les caries a eu un écho libérateur avec, enfin, la perspective d’abuser de sucreries sans craindre les représailles de la plaque dentaire…
Pour le professeur Pierre Baehni, responsable de la Division de médecine dentaire préventive de l’Université de Genève, il s’agit pourtant d’une annonce très prématurée.
Les chercheurs suivent actuellement la piste d’une vaccination passive. Ils sont parvenus à produire des anticorps in vitro. Et ils voudraient maintenant les appliquer localement sur les dents.
Reste toutefois beaucoup d’inconnues: la forme et le mode d’application, la durée d’action, etc. Bref, il est encore trop tôt pour mettre la fraise au chômage technique et les conseils de prévention au placard.
Grâce à l’introduction du fluor dans les dentifrices et le sel, les caries ont cessé d’être un fléau dans notre société. Cependant, elles continuent à miner l’émail des dents innocentes. Une étude genevoise récente, menée en milieu préscolaire, a montré que pas moins d’un tiers des enfants nécessitait des soins dentaires!
Véritables dentistes à domicile, les parents assument l’entière responsabilité de la santé bucco-dentaire de leur progéniture. Malgré cette évidence, la carie du biberon poursuit une belle carrière dans la bouche des petits. Les coupables?
Le fameux biberon calmant à base de lait ou de thé instantané, les jus de fruits, les gelées de dentition, les sirops contre la toux, les goûters sucrés, etc. Tous sont particulièrement cariogènes et attaquent, de préférence, les dents de devant.
Des caries du biberon qui, contrairement aux idées reçues, doivent être soignées: «Les dents de lait touchées servent de réservoirs aux bactéries, confirme Pierre Baehni. Il est prouvé que les dents définitives, apparaissant plus tard, ont plus de risque d’être cariées en l’absence de soins.»
Rappelons que la carie est une maladie bactérienne transmissible. Pour exister, il lui faut donc des germes (généralement des streptocoques), mais aussi un facteur déclenchant: les sucres. Au contact des bactéries, ces derniers se transforment en acide.
C’est lui qui va dissoudre la structure de l’émail et creuser des trous. Facteur protecteur, le fluor peut inhiber ce processus. «C’est une question de balance. L’équilibre dépend de la présence physique de fluor dans la cavité buccale.»
Autrement dit, le combat se déroule dans la bouche. On a longtemps pensé que, pour être bénéfique, le fluor devait être absorbé par l’organisme. Or, on sait aujourd’hui que son efficacité est liée à l’existence des dents (!) et surtout à son action protectrice locale.
Une véritable petite révolution: les femmes enceintes et les bébés de moins de six mois sont désormais exemptés de pastilles roses.
Petit lexique de la prévention
Fluor: un sel fluoré dans la cuisine de tous les jours, un brossage avec un dentifrice fluoré adapté à son âge et une alimentation pas trop sucrée sont les trois piliers de la prévention anticarie.
Brossage: habituer les petits enfants à la brosse dès les premières dents. De 2 à 6 ans, un seul brossage par jour peut suffire, mais il doit être effectué par les parents.
Rinçage: ne pas trop se rincer la bouche après le brossage pour ne pas éliminer tout le fluor.
Bains de bouche fluorés: utiles chez les sujets à risque ou les personnes âgées qui ont souvent des problèmes parodontaux, le retrait des gencives étant associé à un risque plus élevé de carie.
Fluorose: stries blanchâtres et mates dues à une consommation excessive de fluor pendant la période de formation de l’émail des dents permanentes.