Qu’on le veuille ou non, la voix constitue le chemin le plus court pour accéder à l’état émotionnel d’une personne
La voix est un formidable vecteur de l’émotion. L’effet stimulant généré par la gaieté ou la surprise en modifie immédiatement l’intensité et la mélodie.
Au contraire, sous l’emprise de la colère, la voix devient rauque, criée, hyperintense. Quand elle ne s’étrangle pas.
Murmure à peine audible, la voix blanche révèle chez son auteur douleur, peine ou encore peur. La voix de l’énervé prend l’ascenseur. Son débit est rapide. Alors que celle du sentimental se fait caressante, ondoyante.
«La voix trahit l’état interne d’une personne mieux que ne le fait le visage, explique le professeur Klaus Scherer, spécialiste des émotions à la Faculté de psychologie de Genève. Il est très difficile de contrôler la voix. C’est pourquoi elle reste, y compris chez les animaux, le moyen le plus important de communication émotionnelle.»
On peut toujours se fabriquer un faux sourire ou adoucir son regard, mais mieux vaut rester muet, car dès que l’on vocalise, on prend le risque de dévoiler ses véritables sentiments. Des sons mélodiques de l’individu joyeux au timbre léthargique du déprimé, nous sommes tous capables de décoder l’humeur de nos semblables. Même au téléphone qui, tout en réduisant la gamme de fréquences et en simplifiant les paramètres, laisse suffisamment d’indices pour transmettre la totalité des affects.
Grâce à l’informatique, il est désormais possible de décrypter la voix et d’obtenir des profils vocaux spécifiques des émotions. Ce type d’analyse permet de montrer, par exemple, que l’ennui et l’indifférence se manifestent par une fréquence et une intensité faibles.
Reste que notre voix change sans cesse au gré de nos états d’âme et l’ordinateur chargé de la décortiquer ne donne pas toujours dans la nuance. L’étude du rôle des émotions dans les modifications de la voix fait justement l’objet d’un projet européen auquel participe la Suisse. Application possible? Améliorer la sécurité d’une entreprise en amenant le système de reconnaissance vocale à identifier l’employé X, même complètement stressé ou pris d’hilarité…
Ce que raconte la voix
Nombre d’études montrent que les maladies psychiatriques s’accompagnent de caractéristiques vocales. Les dépressifs, dont le débit est plutôt lent, ont paradoxalement une fréquence plus élevée. La raison? Le sentiment de ne pas pouvoir faire face génère un état d’anxiété qui va lui-même induire une tension excessive des cordes vocales. Or, on observe qu’au stade de guérison la voix redescend, gagne en intensité et que le débit s’accélère.
S’agissant des troubles affectifs, l’analyse de la voix permet d’affiner un diagnostic et de contrôler l’efficacité d’un traitement. Un patient dans le déni, affirmant que tout va bien, peut ainsi être contredit par sa propre voix…
Reste que si des programmes d’analyse acoustique sont sur le marché, il manque des praticiens formés pour interpréter les résultats. Ce domaine de recherche ne manque pourtant pas d’intérêt. On a déjà pu démontrer que les gens à risque d’accident cardiaque possédaient un profil vocal commun.