Les temps deviennent de plus en plus incertains pour les retraités français, en France comme à l’étranger. Entre le gel anticipé des pensions, la suspension de la réforme des retraites et la multiplication des contrôles sur les versements à l’international, l’horizon s’assombrit pour des millions de seniors déjà fragilisés par l’inflation et la baisse du pouvoir d’achat.
Un quotidien de plus en plus difficile
Factures d’énergie, loyers, dépenses de santé… chaque mois devient une épreuve pour de nombreux retraités. Si une légère revalorisation des retraites de base a été appliquée début 2025, elle reste bien en deçà de la hausse réelle du coût de la vie. Résultat : beaucoup de seniors doivent puiser dans leurs économies, réduire leurs loisirs, voire renoncer à certains soins.
Et le pire pourrait bien être encore à venir. Le gouvernement envisage en effet un gel total des pensions de base pour 2026, sans hausse non plus du côté des complémentaires Agirc-Arrco. De quoi accentuer une précarisation déjà visible, notamment chez ceux qui ne disposent que d’une petite pension.
Une réforme suspendue, des conséquences lourdes
La suspension de la réforme des retraites annoncée par le Premier ministre Sébastien Lecornu a fait l’effet d’une bombe. Officiellement, il s’agit d’un report — la mesure ne s’appliquerait plus avant 2028 — mais cette décision bouleverse déjà les équilibres budgétaires.
L’âge de départ restera fixé à 62 ans et 9 mois pour 2026 et 2027, avec une durée de cotisation portée à 172 trimestres pour obtenir le taux plein. Si cela peut sembler un répit pour certaines générations, notamment celles de 1964 et 1965, le coût de ce gel s’annonce colossal : 100 millions d’euros en 2026, puis 1,4 milliard en 2027.
Pour compenser, l’État prévoit d’augmenter la pression fiscale sur les complémentaires santé et de freiner l’indexation des pensions. Des choix jugés « profondément injustes » par les syndicats, qui dénoncent un transfert du poids financier directement sur les retraités.
Des contrôles renforcés pour les retraités vivant à l’étranger
Parallèlement, l’Agirc-Arrco intensifie ses vérifications sur les pensions versées hors de France. D’ici 2030, près de 400 000 retraités résidant à l’étranger devront prouver qu’ils sont toujours en vie afin de continuer à percevoir leur pension.
Les premiers contrôles démarreront en Algérie dès 2025, avec 60 000 vérifications annuelles, avant d’être étendus au Maroc, à la Tunisie et à la Turquie.
Les modalités varient selon les pays : certains retraités devront se présenter physiquement dans une banque partenaire, tandis que d’autres pourront valider leur identité via reconnaissance faciale sur smartphone.
Selon la Cour des comptes, ces contrôles ont déjà permis de détecter de nombreuses irrégularités : près d’un quart des pensions examinées ont été suspendues. Les cas de décès non déclarés ou d’usurpation d’identité représentent la majorité des fraudes constatées.
Pour Renaud Vilard, directeur de la Caisse nationale d’assurance vieillesse, « ce n’est pas un enjeu majeur en termes de finances publiques, mais cela renforce la confiance dans le système ».
Un climat d’inquiétude durable
Entre gel des pensions, réformes reportées et contrôles renforcés, les retraités ont le sentiment d’être pris dans un étau. Beaucoup redoutent que les prochaines années ne marquent un recul durable de leur niveau de vie, malgré des décennies de travail et de cotisations.
Les syndicats appellent le gouvernement à revoir sa copie, en rétablissant un mécanisme de revalorisation plus juste et en protégeant le pouvoir d’achat des seniors les plus modestes. Mais pour l’instant, le mot d’ordre semble clair : sobriété budgétaire.