C’est un moment historique qui s’est joué cette semaine à l’Assemblée nationale. Après des années de débats et de polémiques, les députés ont adopté un texte de loi légalisant l’aide à mourir en France, incluant le suicide assisté et l’euthanasie. Une décision majeure, présentée comme un « nouveau modèle français de la fin de vie » par ses défenseurs, mais perçue comme une rupture anthropologique et une mise en danger des plus vulnérables par ses détracteurs.
Un vote largement approuvé mais controversé
La loi a été votée en deux temps : d’abord une proposition visant à renforcer les soins palliatifs (560 voix pour, 0 contre), ensuite une proposition ouvrant l’accès à l’aide active à mourir (305 voix pour, 199 contre). Cette adoption marque un tournant : pour la première fois, le Code de la santé publique inscrit explicitement la possibilité d’une aide à mourir.
Le climat des débats, bien que globalement apaisé, a révélé des divisions profondes. Certains élus ont exprimé leurs réserves, notamment sur la question du « délit d’entrave », qui prévoit jusqu’à deux ans de prison et 30 000 euros d’amende pour toute personne qui tenterait d’empêcher un suicide assisté ou une euthanasie. Une mesure jugée excessive par certains, qui y voient une atteinte au droit d’exprimer des doutes ou de proposer des alternatives à une personne en souffrance.
Des critères d’accès stricts mais critiqués
Pour accéder à l’aide à mourir, le texte impose cinq conditions : être majeur, de nationalité française, souffrir d’une affection grave et incurable, être en phase avancée ou terminale, et éprouver des souffrances physiques ou psychologiques insupportables. Il faut aussi être capable d’exprimer sa volonté de façon libre et éclairée.
Ces critères, bien qu’encadrés, sont jugés à la fois trop restrictifs par certains militants du droit à mourir dans la dignité, et trop flous par d’autres, notamment des soignants qui alertent sur le risque d’un glissement progressif vers des pratiques plus larges.
Un « nouveau modèle » ou un abandon ?
Pour les partisans de la loi, comme l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD), cette avancée offre enfin une réponse aux situations de souffrance extrême et permet de choisir une mort dans la dignité. Mais des voix s’élèvent pour souligner les dangers d’un tel texte. Des collectifs de soignants, regroupés sous la bannière Soins de vie, dénoncent une loi « permissive », qui va au-delà des situations de fin de vie. Selon eux, la France renie le modèle construit par les lois Leonetti et Claeys-Leonetti, qui privilégiaient les soins palliatifs et le refus de l’acharnement thérapeutique, sans pour autant franchir la ligne rouge de l’interdit de donner la mort.
Et maintenant ?
La France entre dans une nouvelle ère, celle où l’aide à mourir devient un droit. Mais cette loi, encore jeune, soulève déjà de nombreuses questions : quelles garanties pour protéger les plus fragiles ? Quels soutiens aux soignants qui refuseraient de participer à ces actes ? Comment accompagner les familles ? Comment éviter une banalisation progressive de ce qui était jusqu’ici considéré comme un interdit fondamental ?
Au-delà des chiffres et des votes, ce débat sur la fin de vie nous interpelle tous, car il touche à ce que nous avons de plus intime : notre rapport à la souffrance, à la liberté, à la solidarité, et à la mort. Reste à savoir si cette loi, présentée comme un progrès, tiendra la promesse d’une fin de vie digne et apaisée, ou si elle ouvrira la voie à des dérives que certains redoutent déjà.