Au commencement, il n’y avait pas de dents. Ensuite, sont apparues les dents de lait. Petites, carrées, immaculées: des dents d’enfant que beaucoup de parents négligent, sous prétexte qu’elles ne font que passer. Après, il y a les dents définitives et, avec elles, le cortège de petits bobos dont on finit forcément par se soucier… Le professeur José Vreven, chef du service de pathologie et thérapeutique dentaire à l’UCL, répond à toutes les questions que l’on se pose à propos de nos dents au quotidien.
Pendant toute une période, très exactement entre 6 ans (où apparaît la première molaire définitive) et 13 ans (où la dernière dent de lait est remplacée), la bouche de l’enfant contient un mélange de dents temporaires et définitives, différentes en taille, couleur et particularités anatomiques. Il arrive que des parents ne se soucient pas d’une molaire cariée de leur enfant, parce qu’ils pensent qu’il s’agit de sa dernière dent de lait. Or, la première molaire définitive vient se placer derrière la deuxième molaire de lait, sans qu’il y ait donc eu chute de dent préalable. La vigilance s’impose, d’autant plus que, contrairement à ce que l’on croit, les enfants ressentent rarement la poussée de leurs nouvelles dents.
Théoriquement, on peut avoir des dents définitives impeccables si l’on a eu une mauvaise dentition de lait. Mais c’est rare, puisqu’il y a toujours ces années fatidiques, au cours desquelles les dents de lait côtoient les dents définitives qui pâtissent ainsi de la propagation des bactéries. Qui plus est, la croissance de la face (mandibule et mâchoire) peut en être perturbée également.
Enfin, le facteur héréditaire joue aussi; il est lié à la composition et au débit de la salive, ainsi qu’à la forme anatomique des dents. Il est, par exemple, reconnu que les caries ont plus de prise sur des dents aux sillons infractueux que sur des dents lisses. Par contre, la rumeur a tout faux quand elle prétend que les dents blanches seraient de moins bonne qualité que les jaunes. Dans la vie des dents, une autre étape est le passage à 35 ans: si, jusque-là, la carie était la cause majeure de la perte des dents, à partir de 35 ans, on peut commencer également à souffrir de problèmes parodontaux dont le signe précurseur est la gingivite. Ces problèmes nécessiteront un brossage encore plus soigneux et l’utilisation quotidienne du fil de soie ou d’une brossette interdentaire.
QUESTION DE COULEUR
Mis à part le fait que la teinte des dents varie d’un individu à l’autre, certaines personnes connaissent des problèmes de coloration de leurs dents et ont fort envie d’y remédier. Il peut s’agir en réalité de trois types de coloration différents. Soit une coloration extrinsèque, qui provient de la consommation régulière de tabac, de thé ou de café. Dans ce cas, il s’agit de colorants qui se fixent sur les dents et qu’un brossage efficace, avec un dentifrice actif, devrait pouvoir éliminer. La coloration peut provenir également de l’utilisation abusive de certains bains de bouche, à base de chlorexidine (un antiseptique)! Dans ce cas également, le polissage des dents devrait suffire.
Soit une coloration de la dentine proprement dite, c’est-à-dire plus profonde que la précédente. Il s’agit généralement des conséquences de l’utilisation prolongée de certains antibiotiques, pendant la période de formation des dents. Ces antibiotiques, à base notamment de terramycine et de tétracycline ne sont cependant plus guère prescrits aujourd’hui. Dans ce cas, le dentiste appliquera sur les dents un produit de blanchiment assez concentré (traitement généralement à renouveler). Si cela ne devait pas suffire, on peut encore se faire coller des plaquettes ultra minces, de résine ou de porcelaine, sur les dents. Certaines personnes se font fabriquer de petites gouttières par leur dentiste, dans lesquelles elles mettent un produit de blanchiment et qu’il faut porter durant la nuit. Prudence: il faut que les gouttières soient bien adaptées pour ne pas avaler le produit en dormant! Une fluorose peut également être à l’origine de ce type de coloration, c’est-à-dire la consommation de quantités excessives de fluor pendant la période de formation des dents. Le dentiste tentera enfin d’atténuer l’effet de stries sur l’émail, par des techniques de micro-abrasion.
Enfin, les dents peuvent changer de couleur pour cause de nécrose. Dans ce cas, soit elles ont été dévitalisées, soit elles ont subi un choc. Une carie non soignée peut en arriver là. Le traitement de la dent, plus important, se terminera cette fois par le placement des produits de blanchiment dans la dent.
Comme pour tout produit, il y a une dose optimale de fluor à prendre, de manière à éviter la fluorose pour cause d’excès (voir plus haut) ou les caries pour cause d’insuffisance. Pour diminuer de 50 % la fréquence des caries, on considère qu’il faut prendre +/- 1 mg de fluor en complément de celui qui est contenu dans notre alimentation. Chez le nourrisson et le jeune enfant, 0,05 mg/jour/kg de poids corporel est la dose adéquate. Aux Etats-Unis, où la fluoruration de l’eau est faite d’office à 1 mg/litre, on compte 50 à 70 % de caries en moins. A Bruxelles, l’eau de distribution ne contient que 0,1 mg de fluor/litre. L’apport de fluorures par l’eau de distribution est donc insuffisant pour obtenir l’effet prophylactique. A Mouscron, où la fluoruration de l’eau est la plus importante du pays, on a remarqué qu’il y avait nettement moins de caries. On peut également choisir de consommer des eaux minérales fluorées, comme l’eau St-Amand (qui vient d’ailleurs de la région de Mouscron) et la Badoit; ou encore, d’acheter dorénavant du sel de cuisine fluoré et iodé. La prise de comprimés fluorés (par ex. Zymafluor), que l’on conseille particulièrement aux femmes enceintes et aux jeunes enfants, ou de vitamines à base de fluor (par ex. AD Cure fluor, que l’on administre aux enfants) peut être utile également. Il ne faut jamais cumuler toutes ces méthodes, surtout pendant la période de formation des dents.