Prête à tout pour récupérer sa maison : une propriétaire condamnée après avoir expulsé un squatteur de force

Face à une situation qu’elle jugeait désespérée, une propriétaire d’Andernos-les-Bains a décidé de se faire justice elle-même. Une initiative risquée qui l’a finalement conduite devant le tribunal correctionnel de Bordeaux. Retour sur cette affaire qui relance le débat brûlant autour des squats et des limites de la légitime défense des propriétaires.

Une succession compliquée et une maison squattée

Karine Lellouche, quinquagénaire et naturopathe animalière, hérite d’une maison familiale après le décès de ses parents. Mais les frais de succession s’accumulent, et la vente du bien est devenue indispensable pour rétablir sa situation financière. C’est alors qu’en mars, elle découvre que la maison est occupée illégalement par un squatteur.

Choquée, elle porte immédiatement plainte. Pourtant, aucune solution concrète ne semble se dessiner. Les semaines passent, les démarches s’enlisent, et la propriétaire dit se sentir totalement abandonnée par les autorités.

À la barre, elle raconte un échange marquant :
« J’ai dit que j’allais changer les serrures. Les gendarmes m’ont répondu : vous n’avez pas le droit de rentrer chez lui. »
Une phrase qui résonne comme un coup de massue pour cette femme déjà accablée par les dettes, la pression administrative et les voisins qui l’encouragent à vendre rapidement.

Le recours à des hommes de main, une décision lourde de conséquences

Acculée, Karine Lellouche finit par accepter une proposition reçue par téléphone. Un inconnu lui promet, contre 5 000 euros, d’expulser le squatteur et de le tenir éloigné le temps de changer les serrures. Elle reconnaîtra devant les juges avoir choisi la « mauvaise solution ».

Le 28 septembre, deux hommes cagoulés se présentent à la maison squattée, équipés de Taser, barre de fer et gaz lacrymogène. Ils parviennent à faire fuir l’occupant, qui se réfugie aussitôt chez un voisin pour appeler les forces de l’ordre. Les deux agresseurs sont rapidement interpellés.

La tentative d’expulsion tourne court. Et c’est finalement la propriétaire, à l’origine de l’opération, qui se retrouve au centre de la procédure judiciaire.

Une justice ferme face à une « vengeance privée »

Devant le tribunal correctionnel de Bordeaux, la présidente n’a pas mâché ses mots.
« Cette vengeance privée n’est pas admissible. Ça aurait pu bien plus mal tourner. »

La procureure a renchéri, dénonçant un acte incompatible avec l’État de droit :
« Je ne me résous pas à vivre dans un État où les propriétaires usent de violence pour se faire justice en faisant appel à des intermédiaires. »

Le squatteur, victime des violences, a obtenu une ITT de trois jours pour douleurs au mollet et brûlures aux yeux liées au gaz lacrymogène.

Douze mois de prison avec sursis pour la propriétaire

Le verdict est tombé :

  • La propriétaire a été condamnée à 12 mois de prison avec sursis simple.
  • Les deux hommes de main ont écopé de 10 et 12 mois de prison, mais sont ressortis libres après la détention provisoire.
  • Tous devront verser 1 200 euros de dommages et intérêts à la victime.

Malgré une pétition lancée par la propriétaire, qui a récolté plus de 63 000 signatures en sa faveur, la justice a tranché sévèrement mais symboliquement, souhaitant éviter que de telles initiatives se reproduisent.

Une affaire qui ravive un débat national

Au-delà de ce fait divers, cette affaire illustre un malaise profond. Entre propriétaires démunis et procédures parfois très longues pour expulser des squatteurs, les frustrations grandissent. Pour certains, Karine Lellouche a agi par désespoir. Pour d’autres, sa décision aurait pu entraîner un drame.

Le dossier, fortement médiatisé, soulève une question essentielle : jusqu’où peut aller un propriétaire pour défendre son bien quand la loi semble impuissante dans l’immédiat ?

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