Jess pensait que son fils traversait une simple phase d’exploration, comme tous les enfants de son âge. Mais quand Junior, à peine âgé de 21 mois, a commencé à avaler du sable, du carton, du bois et même la peinture de son cadre de porte, son quotidien a basculé. C’est alors qu’un mot, inconnu jusque-là, est venu bouleverser sa vie : le pica.
Un bébé qui mange tout… sauf ce qu’il devrait
Au début, rien ne semblait alarmant. Junior léchait les bandes de scratch de ses livres sensoriels ou mâchouillait les jouets. Mais très vite, la situation s’est aggravée.
« Il dévore littéralement tout ce qu’il trouve : sable, papier, carton, peinture, bois… même les barreaux de son lit », raconte Jess Harry, 31 ans, originaire du Pays de Galles.
Ce comportement a d’abord été perçu comme une curiosité passagère, jusqu’à ce qu’un incident à la crèche pousse la jeune maman à tirer la sonnette d’alarme.
« Il avait mangé une quantité effrayante de sable. J’ai dû le retirer immédiatement », confie-t-elle.
Le drame du plomb et l’angoisse permanente
De retour à la maison, Jess décide de remplacer le lit en bois de son fils par un modèle en métal, espérant limiter les dégâts. Mais Junior trouve une nouvelle cible : le cadre de la porte, recouvert d’une ancienne peinture au plomb.
Les analyses sanguines tombent : le petit garçon est intoxiqué.
Depuis, Jess vit dans une vigilance constante.
« Il ne peut jamais être laissé seul. Si je détourne le regard, il trouve toujours quelque chose à mâcher. Parfois je dis en plaisantant qu’on devrait vivre dans un conteneur vide… mais c’est la réalité », explique-t-elle.
Junior dort désormais dans un lit parapluie, dans un environnement contrôlé, sans objets dangereux à portée de main.
Le diagnostic du pica : un soulagement et une épreuve
Après des mois d’incompréhension, un professionnel évoque enfin le syndrome de pica, un trouble du comportement alimentaire caractérisé par la consommation répétée de substances non comestibles.
Des analyses révèlent également une carence en fer, souvent associée à ce syndrome.
Pour soulager son fils, Jess tente des alternatives plus sûres : bâtons de réglisse, céréales dures comme les Weetabix… tout ce qui peut reproduire la texture que Junior recherche sans danger pour sa santé.
Un trouble méconnu et une solitude maternelle
Mais au-delà de l’aspect médical, c’est l’isolement qui pèse le plus lourd.
« Les gens pensent que j’exagère, ou que je suis une mère trop protectrice. Quand on m’invite au parc, je préfère refuser plutôt que de passer mon temps à l’empêcher de manger du sable. C’est plus simple de rester à la maison », confie-t-elle.
Pour Jess, chaque sortie, chaque moment de détente devient une source d’angoisse. Pourtant, elle garde espoir :
« J’aimerais que les gens sachent que le pica existe. Que ce n’est pas de la mauvaise éducation ou un caprice. C’est un vrai trouble, et il faut en parler. »
Qu’est-ce que le syndrome de pica ?
Le pica est un trouble alimentaire rare qui pousse les personnes, souvent les enfants, à ingérer des objets non comestibles : terre, papier, sable, peinture, métal… Ce comportement peut entraîner des intoxications, des troubles digestifs graves, voire des carences nutritionnelles.
Ses causes sont multiples : carences en fer ou en zinc, troubles du développement, stress, ou recherche sensorielle intense.
Le traitement repose sur une prise en charge multidisciplinaire : suivi médical, surveillance de l’environnement et accompagnement psychologique.
Jess espère aujourd’hui que son témoignage aidera d’autres parents à reconnaître les signes du pica plus tôt.
« Je veux que les familles sachent qu’elles ne sont pas seules. Ce trouble est rare, mais il existe. Et avec de la compréhension, on peut apprendre à vivre avec. »