Petites pièces, grande honte : quand la dignité se paie au prix fort

Ce samedi 24 mai 2025, dans le centre-ville de Rennes, une scène ordinaire s’est transformée en révélateur d’un malaise bien plus profond. Dans une boulangerie, un homme sans domicile fixe a voulu acheter une baguette de pain. Un geste simple. Un besoin élémentaire. Mais parce qu’il a tendu une poignée de pièces rouges – des centimes d’un, de deux et de cinq –, on lui a refusé ce droit.

L’homme, visiblement d’Europe de l’Est, poli et sobre, s’est retrouvé face à une caissière qui a balayé sa tentative de paiement d’un revers sec. Pire : sa responsable a renchéri en lui conseillant de faire des rouleaux de monnaie et d’aller à la banque. Une scène brève, mais brutale. L’homme est sorti sans un mot. Sans baguette. Sans rien.

Le témoin de cette scène, Jacques Morfouasse, n’a pas pu rester indifférent. Submergé par un sentiment de honte – honte pour la caissière, pour sa responsable, mais aussi pour lui-même de n’avoir pas réagi immédiatement – il a décidé de réparer ce qui pouvait l’être. Il a rattrapé le SDF, lui a rendu ses pièces, et lui a offert un billet pour qu’il puisse au moins s’acheter son pain. Un geste simple, mais porteur de sens.

Car cette histoire, au fond, ne parle pas que d’un refus de petite monnaie. Elle parle de dignité. Elle parle de notre regard sur la pauvreté. Elle parle de ces moments, trop nombreux, où la société rejette ceux qui ne rentrent pas dans ses cadres bien rangés.

Les pièces rouges, celles que nous laissons traîner dans les fonds de poches, sont souvent les seules ressources des plus précaires. Et pourtant, elles sont encore perçues comme gênantes, presque indésirables. Il est plus rapide pour une caissière de les refuser que de les compter. Mais à quel prix humain ? À quel coût moral ?

Quand on empêche un homme d’acheter du pain avec les seuls moyens qu’il possède, on ne fait pas que refuser une vente. On nie sa dignité. On lui rappelle, cruellement, qu’il n’a pas sa place. On l’humilie.

Jacques, caissier bénévole dans une épicerie solidaire, le dit bien : on n’a pas toutes les cartes en main pour changer le monde. Mais nous avons le pouvoir, chacun à notre échelle, de le rendre un peu plus humain. Dans nos gestes. Dans nos silences. Dans nos regards.

Il n’était question ici que de quelques centimes. Mais leur refus a pesé bien plus lourd. Ce sont parfois ces petits moments qui trahissent les grandes injustices.

Alors posons-nous la question : combien vaut la dignité d’un homme ? Et que sommes-nous prêts à faire pour ne pas l’acheter, mais simplement la respecter ?


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