Nour n’avait que 18 ans lorsqu’elle a vu sa vie basculer. Ce qui devait être un simple voyage au Maroc s’est transformé en cauchemar. Aujourd’hui, elle témoigne pour briser le silence sur les mariages forcés et les violences qu’elle a subies.
Le piège d’un voyage soi-disant familial
“On m’avait dit que je partais pour me reposer”, raconte Nour. À peine arrivée, elle apprend qu’elle va devoir épouser son cousin, de dix ans son aîné. Pour elle, c’était impensable : “C’était comme un grand frère.” Malgré ses refus, personne ne l’écoute. En quelques jours, tout s’enchaîne. Son père l’emmène passer un examen de virginité, puis on lui fait signer des papiers en arabe, une langue qu’elle ne comprend pas. “Je n’avais plus aucun contrôle sur ma vie”, confie-t-elle.
Le mariage est célébré sans cérémonie, dans le silence et la contrainte. De retour en France, Nour pense que tout est terminé. Mais quelques mois plus tard, son “mari” débarque et s’installe chez ses parents. C’est à ce moment que le cauchemar commence vraiment.
Un quotidien fait de peur et de violences
En France, Nour refuse catégoriquement de vivre avec lui. Mais les agressions continuent. “Il essayait de me toucher, de m’embrasser de force.” Quand elle en parle à sa mère, la réponse la glace : “C’est ton mari.” Sa mère, elle aussi victime d’un mariage forcé à 13 ans, semble prisonnière du même système.
Un jour, alors que ses parents repartent au Maroc, son agresseur profite de leur absence pour l’enfermer dans sa chambre. Il la viole. “C’est ce jour-là qu’il m’a tout pris. L’ancienne moi est morte le jour où il m’a violée.”
Une amie, inquiète de ne plus avoir de nouvelles, finit par venir chez elle. C’est elle qui comprend la situation et l’aide à fuir. Peu après, Nour découvre qu’elle est enceinte. “C’est à l’hôpital que je l’ai appris. Ma meilleure amie et sa mère m’ont aidée à avorter. Sans elles, je ne serais plus là.”
Le rejet de sa famille et la reconstruction
Au lieu d’un soutien, Nour fait face à la colère de sa famille. Sa mère lui reproche d’avoir “sali l’honneur” des siens, et ses frères tentent même de la ramener de force. La police intervient. Brisée, perdue, Nour pense à mettre fin à ses jours. “Je me sentais coupable, manipulée, et sans issue.”
Mais petit à petit, elle trouve la force de se relever. Elle engage seule une procédure de divorce en France et parvient à se libérer de son mari. “Ma famille m’a traitée de folle. Mais je voulais montrer que ce n’était pas la religion qui imposait cela, c’était une coutume, pas une obligation religieuse.”
Un message de courage et d’espoir
Aujourd’hui, Nour vit loin de sa région d’origine. Elle est mariée et maman d’une petite fille. Si certaines blessures ne guériront jamais totalement, elle a trouvé une paix nouvelle. “Des odeurs peuvent encore me ramener dans le passé, mais je ne veux plus vivre dans le silence.”
À travers son livre Tous coupables, ils m’ont mariée de force, publié aux éditions Balland, elle veut sensibiliser et surtout libérer la parole. “Je veux dire à toutes les jeunes filles : ne vous taisez pas. Ce n’est pas vous les coupables. Même après l’horreur, on peut se reconstruire.”