La scène s’est déroulée début juillet sur une plage des Bouches-du-Rhône, dans le sud de la France. Une adolescente a été sommée de sortir de l’eau par des policiers municipaux au motif qu’elle portait un burkini, un maillot couvrant généralement le corps, les bras, les jambes et parfois la tête. Cet incident, filmé et relayé par plusieurs témoins, relance une nouvelle fois le débat autour de cette tenue de bain controversée.
Une application stricte d’un arrêté municipal
Selon les informations relayées par France 3, l’intervention s’appuie sur un arrêté municipal voté en juin 2024 dans la commune concernée. Ce texte réglemente strictement les tenues de baignade, justifiant l’interdiction du burkini pour des raisons de sécurité. L’article 8 de l’arrêté invoque notamment le risque de noyade, estimant que les vêtements couvrants nuiraient à la flottabilité et à l’intervention des sauveteurs en cas de danger.
Un raisonnement que certains jugent fallacieux, estimant qu’il dissimule une interdiction de nature idéologique ou religieuse, déguisée en souci de sécurité.
Une scène tendue sur une plage familiale
D’après le témoignage du frère de la jeune fille, la situation a dégénéré dès l’arrivée des policiers :
« Ma sœur allait se baigner, deux agents ont sifflé et lui ont dit qu’elle ne pouvait pas nager comme ça. Ils ont dit que sa tenue n’était pas acceptable. »
La mère de la jeune fille, visiblement bouleversée, lui aurait demandé de continuer à se baigner malgré l’interdiction, ne supportant pas cette humiliation publique. En quelques minutes, la scène attire l’attention des vacanciers, divisés entre soutien à la baigneuse et approbation de l’interdiction. Face à la tension, les gendarmes sont appelés en renfort. Au total, près d’une dizaine d’agents ont été mobilisés pour une simple tenue de bain.
Une situation juridique floue et controversée
Le burkini reste autorisé par la loi française, mais certaines communes prennent régulièrement des arrêtés pour en interdire le port sur leurs plages ou dans leurs piscines. Ces décisions sont régulièrement attaquées en justice, notamment par la Ligue des Droits de l’Homme. L’avocate Marion Ogier, membre du comité national de la LDH, dénonce une dérive bien connue :
« On assiste chaque année à plusieurs épisodes dans lesquels les maires interdisent le port du burkini pour des motifs totalement illégaux, mais maintiennent leur interdiction en toute connaissance de cause. »
À Mandelieu-la-Napoule, par exemple, un arrêté similaire a été suspendu par le Conseil d’État, confirmant que de telles interdictions relèvent souvent plus de l’idéologie que de la sécurité.
Un débat qui divise, une réalité qui stigmatise
L’affaire relance un débat sensible : où s’arrête la neutralité républicaine et où commence la discrimination ?
Pour certains, le burkini est perçu comme une provocation religieuse dans l’espace public. Pour d’autres, il s’agit tout simplement d’une liberté de choix vestimentaire, surtout lorsqu’il permet à des femmes ou jeunes filles de profiter des plaisirs de la baignade tout en respectant leurs convictions.
Mais une chose est sûre : l’intervention musclée d’une dizaine de policiers pour une tenue de bain, en plein été, interroge. Le traitement infligé à cette adolescente, devant des dizaines de témoins, laisse un goût amer et soulève une question simple mais essentielle : la plage est-elle encore un lieu pour tous ?