L’infidélité reste l’un des sujets les plus sensibles au sein du couple. Taboue, douloureuse, parfois incomprise, elle soulève pourtant de nombreuses questions sur la nature des relations modernes. Et si, contrairement aux idées reçues, tromper n’était pas toujours une question de tentation ou d’opportunité, mais plutôt le symptôme d’un malaise plus profond ?
Selon une récente enquête de l’Ifop menée pour Gleeden et Libération, l’infidélité serait en recul en France. En 2025, 26 % des femmes et 36 % des hommes déclarent avoir déjà trompé leur partenaire, contre respectivement 37 % et 45 % en 2019. Une baisse significative, mais qui ne fait pas disparaître les blessures émotionnelles liées à la trahison.
Alors, comment reconnaître les signes avant-coureurs ? Une psychothérapeute de renommée internationale apporte un éclairage précieux.
L’infidélité n’arrive presque jamais par hasard
Esther Perel, psychothérapeute belge installée aux États-Unis et spécialiste des relations amoureuses, travaille depuis plus de quarante ans auprès de couples en crise. Son constat est clair : l’infidélité n’est presque jamais un acte impulsif isolé. Elle est souvent le point culminant d’un processus lent et silencieux.
Selon elle, la plupart des personnes infidèles ne cherchent pas nécessairement à quitter leur partenaire. Elles cherchent plutôt à échapper à une version d’elles-mêmes dans laquelle elles ne se reconnaissent plus.
« Beaucoup me disent : je n’avais pas envie de partir, mais je ne voulais plus être la personne que j’étais devenue », explique-t-elle.
Autrement dit, le véritable déclencheur n’est pas toujours le manque d’amour, mais une perte de sens, d’élan ou d’identité personnelle au sein de la relation.
Le signe qui ne trompe pas : le glissement silencieux
Contrairement aux clichés, ce n’est pas forcément la distance physique, les disputes ou les absences répétées qui annoncent une infidélité. Le signe le plus révélateur serait bien plus discret : le glissement émotionnel progressif.
Ce glissement se manifeste par :
- une routine devenue pesante,
- une impression de vide ou d’ennui,
- une intimité qui s’étiole sans conflit apparent,
- une sensation de ne plus être vu ou compris.
La relation ne s’effondre pas brutalement : elle s’use lentement. Et lorsque surgit une rencontre extérieure, elle agit comme un miroir révélateur plutôt que comme une cause réelle.
Une fuite plus qu’une trahison ?
Dans de nombreux cas, la personne infidèle ne cherche pas à faire souffrir l’autre. Elle cherche à se sentir vivante, désirée, reconnue. L’infidélité devient alors une échappatoire, une tentative maladroite de se reconnecter à une part d’elle-même oubliée.
C’est ce qui rend la situation si douloureuse : la trahison cohabite avec une profonde confusion intérieure. Et bien souvent, celui ou celle qui trompe ne mesure pas immédiatement l’impact émotionnel de son acte.
Quand la crise devient un tournant
Si l’infidélité est souvent vécue comme une rupture irréversible, elle peut parfois devenir un électrochoc salutaire. Certaines relations, fragilisées depuis longtemps, trouvent paradoxalement une nouvelle dynamique après la crise.
Comme l’explique Esther Perel, il arrive que ce moment douloureux permette enfin de mettre des mots sur des frustrations enfouies, de revoir les attentes, et parfois même de reconstruire un lien plus authentique.
Cela ne signifie pas que l’infidélité soit souhaitable ou bénéfique en soi, mais qu’elle peut, dans certains cas, ouvrir un espace de vérité et de transformation.
Comprendre plutôt que juger
Loin des discours moralisateurs, cette approche invite à regarder l’infidélité comme un symptôme plutôt qu’un simple écart de conduite. Elle interroge notre rapport à l’amour, à la durée, au désir et à l’identité personnelle.
Comprendre ces mécanismes ne justifie pas la trahison, mais permet parfois d’éviter qu’elle ne se reproduise — ou de mieux se reconstruire après.
Car derrière chaque infidélité, il y a souvent une question silencieuse : « Qui suis-je devenu dans cette relation ? »