Dix ans après les attentats du 13-Novembre, alors que la France se recueille en mémoire des 130 victimes, l’histoire de Sonia — nom d’emprunt — ressurgit comme un témoignage bouleversant de courage, mais aussi de solitude. Invitée sur RTL, celle qui a permis aux enquêteurs de localiser Abdelhamid Abaaoud, l’un des cerveaux opérationnels du commando, raconte aujourd’hui le prix inimaginable qu’elle paie encore.
Une décision qui a changé le cours de l’enquête
En novembre 2015, Sonia héberge une connaissance, Hasna, sans savoir qu’elle est liée aux terroristes en fuite. Lorsqu’elle comprend la gravité de la situation et découvre la présence d’Abdelhamid Abaaoud, elle prend son téléphone, appelle les autorités, et accepte de les rencontrer malgré le danger.
Ce geste, essentiel pour les forces de l’ordre, a permis l’assaut de Saint-Denis et l’élimination de l’un des terroristes les plus recherchés d’Europe. Pourtant, derrière cette contribution capitale, la vie de Sonia a basculé dans une clandestinité qu’elle n’avait jamais imaginée.
« On vous fait mourir administrativement »
Sur RTL, elle l’explique avec une sobriété qui en dit long sur les dix dernières années de son existence :
« Ma famille, mes enfants, on a tous une nouvelle identité. On survit plus qu’on ne vit. »
Sa voix, posée mais marquée, raconte une réalité glaçante : pour la protéger, l’État l’a “effacée” administrativement. Elle vit désormais sous une identité qui n’est pas la sienne. Dire son nom, remplir un formulaire, inscrire ses enfants à l’école… tout est devenu mensonge permanent, une tension invisible mais quotidienne.
“Au bout de dix ans, c’est toujours gênant”, confie-t-elle. “Quand on vous demande comment vous vous appelez, vous savez que vous allez mentir.”
Les regrets des enfants : la douleur la plus profonde
Si la clandestinité, la solitude et l’absence de travail proposé ont été des épreuves lourdes, Sonia avoue que le plus difficile reste le regard de ses propres enfants.
Pendant longtemps, ils lui ont reproché la décision qui a bouleversé toute leur vie.
« Maman, t’aurais dû appeler, mais ne jamais te déplacer. »
Une phrase qui résonne encore douloureusement.
Sa réponse, invariable, témoigne d’une force morale rare :
« La vie n’a pas de prix. C’est un très lourd préjudice, oui, mais c’était pour la bonne cause. »
Aucun regret malgré une vie brisée
Malgré les sacrifices, Sonia affirme fermement qu’elle referait le même choix.
“Oui, même si c’était pire encore. Parce que la vie n’a pas de prix. C’est beau, la vie, non ?”
Une phrase qui fait écho à ses dix années d’isolement, de peur et d’incertitude.
Elle le sait : sa vie d’avant n’existera plus jamais.
Héroïne malgré elle
Interrogée par Le Parisien, Sonia rejette l’idée d’être une héroïne.
Pour elle, ce qu’elle a fait n’était ni un acte exceptionnel ni un geste de bravoure :
« Ce n’était pas héroïque. C’était simplement aider son prochain. »
Mais la réalité est implacable : sa vie, telle qu’elle était, a disparu. Elle vit désormais dans l’ombre, menacée, coupée de son identité, de son passé et parfois même incomprise par les siens.
“Ma vie n’est pas rose. Elle tire plutôt vers le noir”, conclut-elle.
Une mémoire nécessaire
Alors que la France commémore les victimes du 13-Novembre, le témoignage de Sonia rappelle que les héros ne portent pas tous un uniforme. Certains vivent cachés, fatigués, oubliés, mais continuent de porter le poids d’un geste qui a sauvé des vies.
Son histoire — rare, bouleversante, essentielle — met en lumière un aspect invisible des attentats : les destins sacrifiés de ceux qui ont osé faire ce que beaucoup n’auraient pas eu le courage d’accomplir.

