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Faut-il supprimer l’abattement fiscal de 10 % pour les retraités ? Un débat explosif

Alors que le gouvernement cherche 40 milliards d’euros pour boucler son budget 2026, l’une des pistes avancées pour faire des économies suscite de vives réactions : la suppression de l’abattement fiscal de 10 % accordé aux retraités. Cette mesure, en place depuis 1977, coûte aujourd’hui près de 5 milliards d’euros par an à l’État.

De quoi parle-t-on exactement ?

Les pensions de retraite, tout comme celles de réversion, d’invalidité ou encore alimentaires, bénéficient automatiquement d’une déduction fiscale de 10 %. Cette réduction est plafonnée à 4 399 euros par foyer et ne peut être inférieure à 450 euros par bénéficiaire. Elle vise à alléger l’imposition des retraités, au même titre que l’abattement pour frais professionnels dont bénéficient les actifs.

Une mesure ancienne, dans un contexte qui a changé

Cette déduction a été instaurée à la fin des années 1970 pour plusieurs raisons : la flambée de l’inflation, les frais de santé plus élevés chez les seniors et surtout l’impossibilité pour les retraités de « sous-déclarer » leurs revenus, perçus directement depuis les caisses de retraite. Aujourd’hui, les arguments en faveur de son maintien sont moins évidents. Avec le prélèvement à la source mis en place en 2019, les retraités ne subissent plus le décalage d’imposition qui justifiait cette aide au moment de leur départ. De plus, leur niveau de vie médian est désormais légèrement supérieur à celui des actifs, et leur taux d’épargne est bien plus élevé.

Un enjeu budgétaire et politique

En supprimant cet abattement, l’État pourrait récupérer près de 5 milliards d’euros par an. Un chiffre non négligeable dans le contexte actuel de maîtrise des finances publiques. Mais la mesure reste hautement sensible. Elle toucherait potentiellement 15 millions de retraités, dont beaucoup ne sont pourtant pas imposables et ne ressentiraient donc pas d’impact direct. En revanche, pour les foyers plus aisés, l’augmentation pourrait être significative : jusqu’à 850 euros d’impôts supplémentaires en moyenne pour les 5 % les plus riches.

Un effet domino à ne pas négliger

La suppression de l’abattement pourrait faire basculer environ 500 000 foyers non imposables dans l’impôt sur le revenu. Et elle ferait mécaniquement grimper le revenu fiscal de référence de millions de retraités. Or, ce revenu conditionne l’accès à de nombreux dispositifs sociaux ou avantages fiscaux comme le taux réduit de CSG ou certaines aides à l’adaptation du logement.

Entre justice fiscale et poids électoral

Les défenseurs de la mesure estiment qu’il n’est plus justifié d’accorder aux retraités un avantage comparable à celui consenti aux actifs pour leurs frais professionnels. D’autant plus que ce sont souvent les actifs qui supportent la charge croissante des dépenses sociales liées au vieillissement.

De leur côté, syndicats, partis politiques et associations de retraités dénoncent une mesure injuste, qui reviendrait à pénaliser ceux qui ont cotisé toute leur vie. Et nul ne doute que toucher à un avantage fiscal dont bénéficient 15 millions de retraités – une population fortement mobilisée lors des élections – représente un risque politique considérable.

Conclusion

Supprimer ou non cet abattement fiscal de 10 % sur les pensions de retraite est un choix à la fois budgétaire, social et politique. L’équation est complexe : faire des économies sans creuser les inégalités, moderniser le système fiscal sans attiser la colère de millions de retraités. Le gouvernement devra trancher, mais il le fera sans doute avec prudence.

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