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Elle épouse l’homme qui l’a défigurée à l’acide : entre pardon et incompréhension

Il y a des histoires qui défient l’entendement, qui bousculent nos repères moraux et émotionnels. Celle de Berfin Özek, jeune femme turque victime d’une attaque à l’acide en 2019, en fait partie. Deux ans après avoir été atrocement blessée par son ex-petit ami, elle a fait un choix qui a choqué son entourage et l’opinion publique : lui pardonner, puis l’épouser.

Une attaque à l’acide aux conséquences irréversibles

En 2019, dans le district d’Alexandrette, au sud de la Turquie, Berfin Özek, alors âgée de 20 ans, est agressée par Casim Ozan Celtik, son ancien compagnon. Dans un acte de jalousie extrême, il lui jette de l’acide au visage en affirmant : « Si tu ne m’appartiens pas, tu n’appartiendras à personne. »

Les séquelles sont terribles. Berfin perd un œil et voit sa vision de l’autre gravement altérée. Son visage, quant à lui, est irrémédiablement marqué. Ce type d’agression, appelé vitriolage, laisse des blessures physiques, psychologiques et sociales profondes.

Une justice controversée

L’auteur de l’attaque est condamné à plus de 13 ans de prison. Mais en 2021, à la faveur de changements législatifs et de mesures liées à la pandémie, il obtient une libération conditionnelle. Un allègement de peine qui, déjà, soulève des vagues d’indignation.

Mais le plus surprenant est encore à venir.

Pendant son incarcération, Casim Ozan Celtik adresse de nombreuses lettres à Berfin. Il y exprime des remords, déclare son amour et lui demande pardon. À sa sortie, il la demande en mariage. Et, contre toute attente, elle accepte.

Un mariage sous le signe du pardon… ou de l’emprise ?

Le choix de Berfin divise. D’un côté, elle affirme : « Nous nous aimons beaucoup. » De l’autre, sa famille et une partie de la société turque s’interrogent. Comment peut-on épouser celui qui a volontairement détruit votre visage ? Quel mécanisme peut pousser une victime à revenir vers son bourreau ?

Les experts évoquent parfois le syndrome de Stockholm, cette forme d’attachement psychologique paradoxal qui peut lier une victime à son agresseur. D’autres parlent d’emprise, de dépendance affective, ou encore de pression sociale dans des environnements où le pardon est sacralisé, même au détriment de la justice et de la dignité des femmes.

Un phénomène mondial, loin d’être isolé

Si ce cas choque, ce n’est pas une aberration isolée. Dans plusieurs régions du monde, notamment en Asie du Sud et au Moyen-Orient, les attaques à l’acide sont tristement fréquentes. Elles visent très majoritairement des femmes ayant rejeté une demande en mariage ou osé prendre leur indépendance.

En France, bien que plus rares, ces actes ne sont pas inexistants. En 2022, deux étudiants ont été aspergés d’acide à Angoulême en rentrant d’une soirée. L’agression, gratuite et d’une rare violence, reste à ce jour non élucidée. Certains cas en France sont également liés à des crimes d’« honneur ».

Une société face à ses contradictions

L’histoire de Berfin pose une question fondamentale : jusqu’où peut aller le pardon ? Peut-on séparer l’amour du traumatisme ? Et surtout, que révèle cette décision sur la place des femmes dans certaines sociétés, sur la manière dont elles sont perçues, aimées… et parfois détruites ?

Il ne s’agit pas de juger Berfin Özek. Son choix lui appartient. Mais il est essentiel de questionner le contexte dans lequel une telle décision devient possible — voire inévitable. Car derrière ce mariage, il y a peut-être moins d’amour que de douleur. Moins de réconciliation que de résignation.

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